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Mucky Fingers
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2 septembre 2006

Rock En Seine 2006: Terre, Champ de Bataille

 

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Chaque année depuis 2003, le festival Rock en Seine gagne en prestige. 2006 atteint des sommets car l’affiche placardée un peu partout révèle une programmation hallucinante - un véritable concentré de rockstars sur un point précis du globe. Vous rêviez de voir Carl Barat, Jack White ou Thom Yorke lors d’un week end à vous pavaner dans un joli parc au hasard entre un stand de tartiflette et une expo Mondino ? Le fantasme devient réalité les 25 et 26 août 2006 à Saint Cloud, France.

 

Le premier jour, le vendredi, tout commence pour votre guide au pied de la Grande Scène pour Nada Surf. Le set semble interminable, heureusement "Popular" vient me réveiller entre deux popsongs FM mielleuses pour adolescents en mal de guimauve. Je me pose alors cette question hautement cruciale : mais comment diable un groupe peut-il se contenter d’être médiocre ? Le calvaire terminé, j'intègre rapidement les premiers rangs non sans esquinter le bras fracturé d'une jeune anglaise. En parlant de membre cassé, Carl Barat débarque avec ses troupes le bras invalide, le malheureux s'étant blessé en jouant les marioles sur sa moto. Il a pris son Union Jack flag en guise d'écharpe. Tout un symbole. Le chanteur n'a pas l'air très net. Tout comme ses acolytes. Le guitariste remplaçant débarqué des Paddingtons a d’origine le bon style et s'intègre parfaitement à la bande de mates. Les aristo-lads de Dirty Pretty Things déploient la grosse artillerie avec leur lot de missiles sol-air redoutablement imparables, tout droit sortis de Waterloo en Albion. Avec en prime des chansons des Libertines, les Doherty-like et autres Moss-like jubilent. Carl se fait violence en jouant "France" à la gratte. La foule épouse sa douleur lorsqu'il pince les cordes d’acier avec son bras endolori. Du coup, c'est doublement beau et puissant. "Bang Bang You're Dead" vient enfoncer le clou, faisant figure de classique. Déjà, "I Get Along" excite une foule conquise, les collégiens friqués à pantalons-slim slamment à coeur joie. On retiendra définitivement cette maxime : Quand on aime, ça paraît toujours trop court. Il est temps pourtant de se précipiter au show de Kasabian sur la scène de la Cascade. Malheureusement, le set a déjà commencé. On se prend de plein fouet le rock post-baggy madchesterien de ces néo-Stone Roses. Stupéfaction, excitation, choc : un mini-Ian Brown fait son Liam sur scène les pieds à 10h10. On assiste à la résurrection du rock, celui des Happy Mondays, des Primal Scream, juste dans la tradition, dans la pure veine des grands. De la musique pour les lads, faite par des lads. De la bonne réminiscence oasisissienne, sur une rythmique pas possible et quelques touches électroniques de bon aloi. Des riffs en béton armé, un groupe taillé sur démesure pour les stades anglais. D'ailleurs ce "Club Foot" du tonnerre cloute le groove sur le gazon frais, ou mieux encore, le nou veau single "Empire" évoque carrément un immense champ de bataille. On ne compte plus les pertes, c'est l'heure de la reddition pour le public extatique. Après ça, où aller? Du coté des USA peut-être, dans le décor calciné d’un western en mode road-trip. Voici les Raconteurs. Changement radical d'univers. L'entrée en matière promet du très lourd, avec notamment le single "Steady As She Goes" repris en chœur par le public connaisseur. L'enthousiasme s’accroît au fil du show. Chacun se laisse entraîner par la virtuosité technique du groupe, au service de son Art. Car effectivement, on parle bien ici d'Excellence. La guitare écorchée de Jack pleure littéralement, et la bouleversante reprise du "Bang Bang" de Nancy Sinatra donne des frissons à une assistance au bord des larmes. Le tremolo dans la voix ? Les arrangements divins ? On n’explique sans doute pas le moment magique. Juste l’impression d'assister un à grand concert de rock comme on n'en fait plus, de l'art de jouer d'un instrument, de se l'approprier et de canaliser toute son émotion comme si c'était la fin ou le début de tout. Car la musique est tout. Les titres s'enchaînent avec une facilité déconcertante, tuante. Des mecs comme ça font mal, très mal. On ne peut que déposer les armes, une fois de plus. Car voilà, la claque de ce festival c'est The Raconteurs. On ne s'y attendait sans doute pas. La prise par les sentiments, par la technique. Le piège fatal. La tenaille qui se referme. Après ça, Morrissey paraît bien terne. Même lui. Les fans des Smiths prennent tout de même leur pied. Un portrait géant d'Oscar Wilde flanqué en guise de décor éclaire de son aura la grande scène. Ce Moz a tout de même des idées grandioses…

 

Le samedi, arrivée sous la pluie. Heureusement la seule mini-averse de la journée. Phoenix déballe son show sur la grande scène. Sofia Coppola paraît-il regarde également le spectacle depuis la fosse. Des chansons efficaces et le classique "If I Ever Feel Better" composent un set fort plaisant. Voilà un groupe français qui chante en anglais tout en étant parfaitement crédible, ce qui est rare. On peut mettre ça sur le compte du parfum french touch sans doute. Du Coté de la Scène de la Cascade ça s'énerve un poil, Skin a investi la scène. Elle a de la voix, ça ne fait aucun doute. Les chansons de facture classique se ressemblent, parfois un air connu nous arrive aux tympas "tiens, c'est pas un truc de Skunk Anansie ça?". Un nouveau déplacement façon grande transumance s'impose pour l'arrivée des Dead 60's. Retentissent alors des sirènes du style grosse attaque aérienne, un flot migratoire énorme rejoint la Grande Scène. L’effet surréaliste est total, car dans le parc on s'y croirait. 1944, les forteresses blindées déferlent sur le château de Saint Cloud. Au milieu du chaos les anglais ripostent et transpercent les assaillants de leurs armes lourdes accordées au centième de millimètre, dans un fracas métallique d’apocalypse. Le groupe s’occupe de mitrailler sa pop-ska héritée de Madness ou des Clash (pour le côté british). Le chanteur semble convaincu et donne dans l’attaque frontale. C’est rythmé, abrasif. Le son pourtant manque de chair, on aurait aimé davantage de discernement entre les instruments qui virent à la mixture un brin pâteuse. La différence se fait sentir a posteriori par le déluge sonore administré par Beck et par son orchestre démentiel. Un vrombissement de basse ahurissant et une rythmique bétonneuse s’abattent sur le parc pour un "Loser" titanesque. Sur scène, un petit théâtre de marionnettes reproduit fidèlement le jeu des musiciens en temps réel. L’idée s’avère carrément géniale car le public oscille entre les deux univers, le spectacle dans le spectacle, la folie du décalage, la perte des repères… Au deuxième acte les musiciens sont réunis autour d’une table évoquant un étrange banquet musical. On n’est plus très loin de l’esprit Carrollien alors que l’on perd la notion des dimensions et des réalités. On voit se balader des ours sur scène alors que les marionnettes se défoncent en backstages après avoir visité paris sur écran géant… Loufoque, hilarant, génialement musical et finalement très accessible pour le festivalier lambda. Ce cher fan de rock qui a rejoint Rock en Seine principalement pour l’événement rock de l’été (de l’année ?) : la venue unique de Radiohead en France depuis des lustres. Inutile de préciser que l’enthousiasme se fait sentir jusqu’à dix kilomètres à la ronde. L’attente n’est plus très longue, même si elle paraît interminable. Chacun y va de sa petite stratégie pour être le moins loin possible du péricentre : s’infiltrer par la gauche, gagner du terrain pendant Beck, ou suivre un éclaireur balaise qui vous ouvrira la voie. Le matos enfin installé, les lumières s’éteignent, les cinq d'Oxford entrent en scène face à une foule hystérique. Les premières mesures d’Airbag retentissent, les gens deviennent dingues, et les pulsions explosent en bouquet primal avec "2+2=5" dont le break retient la tension avant de tout recracher jusqu’à ce qu’extase s’en suive. Après ça, les fans calmeront quelque peu leurs ardeurs pour se concentrer sur le show antédiluvien du quintette. De nouvelles chansons émergent de la setlist, notamment la fabuleuse "Videotape" qui nourrit les plus larges espoirs quant au futur du groupe. Un avenir qui ne semble pas si doré selon Thom Yorke. Le chanteur cafardeux et extrasensible ne semble d’ailleurs pas déprimé pour des raisons futiles. Conscient d’une apocalypse imminente, on lui donnerait volontiers raison à la lecture d’un récent numéro du Monde2, faisant état des récents rapports scientifiques hautement alarmants quant au réchauffement de la planète. Cette angoisse plane sur la scène, presque palpable. Comme si l’ambiance automnale de cette fin de mois d’août prenait soudain des airs de prémonition inquiétante. "I Might Be Wrong" répète Thom comme pour se rassurer. Ce soir pourtant, le groupe a l’air heureux de jouer, de se retrouver, de construire à nouveau, ensemble. Aucune allusion n’est faite au disque solo de son gourou, le magnifique "The Eraser" avec ses neuf compositions échappées d’un autre monde. Des artistes tueraient pour une chanson comme "Analyse", pour ne citer que celle-ci. Ce soir Radiohead pioche dans toute sa discographie. "The Bends" et "My Iron Lung" dépotent, alors que "Paranoid Android" se fait plus religieux, repris en chœur par une foule bouleversée dans une cathédrale à ciel ouvert. Des titres beaucoup plus abstraits interpellent, séduisent, et finalement hypnotisent par leur structure sonore inouïe. "The Gloaming" serre les gorges, suffoque les organes. Les instants de grâce se multiplient, les ballades ensorcèlent ("Fake Plastic Trees", "Pyramid Song"). Dans le 20minutes du week end, un journaliste de Mojo compare Radiohead à des vaches sacrées, à un groupe qui aurait l’envergure de U2 mais avec le respect des critiques en prime. On peut alors se demander comment une formation aussi peu accessible et dotée d’un univers aussi particulier peut-elle déclencher un tel engouement de toute part ? Chacun aura sa petite théorie. On peut déjà parier que dans cinquante ans, des albums visionnaires tels que "Ok Computer" ou "Hail To The Thief" inspireront encore des gens pour faire des films sur la fin du monde. A moins que la fin du monde n’ait déjà eu lieu…

 

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